18 février, 2009
Jules Supervielle
Né à Montevideo, Jules Supervielle(1884-1960) posséda la double nationalité française et uruguayenne.Tout au long de sa carrière, il fut le symbole des liens spirituels qui unissent la France à l’Amérique latine.Sa double nationalité fut peut-être à l’origine de sa recherche permanente d’un point fixe et de son « angoisse de l’absence ».
Supervielle a aussi écrit des romans et des contes pleins de poésie (l’homme de la pampa,1923; le voleur,1926; l’enfant de la haute mer ,1931; l’arche de Noé, 1938)et des pièces de théâtre (la belle au bois,1932; Bolivar,1936;Shéhérazade, 1949; Robinson ,1949)
L’oeuvre poètique de Jules Supervielle :
Jules Supervielle découvre très jeune la poésie : à seize ans déjà , il publie une plaquette de vers (Brumes du passé,1900) où se révèle l’influence du symbolisme. Mais il évolue vite et , sans entrer dans aucune école, il entreprend cette « libération du langage « à laquelle se sont attachés les poètes de notre siècle.
Dans les poèmes de l’humour triste(1919), le premier de ses recueils majeurs, il peint avec amusement sa jeunesse. Toutefois , l’originalité de ses thèmes et de son style s’impose dans Débarcadères(1922), oeuvre dans laquelle l’âme voyageuse du poète s’épanouit, sa double nationalité faisant de lui un homme perpétuellement en transit.
Il y dépeint son amour pour les grands espaces, pour la nature et pour la terre. En 1925, il écrit les poèmes de Gravitations-autre titre évocateur-, où il exprime sa quête d’un point fixe qu’il croit trouver auprès des morts. Il s’y décrit comme un être angoissé par la vie, prenant par exemple sur les animaux pour atteindre à la sagesse.Il évoque aussi les grands cycles de la terre qui se déroulent imperturbablement, tandis que les homme vivent , souffrent et meurent. Dans le Forçat innocent(1930), il cherche à appréhender la « vie souterraine » qui échappe à nos yeux et qui ne cesse de l’intriguer.
Supervielle est en outre aussi l’auteur de la fable du monde(1938), de ciel et terre(1942), d’oublieuse mémoire(1949) et de corps tragique(1959).
La recherche de « présences inconnues »:
La poésie aérienne de Supervielle témoigne de son désir de découvrir dans le monde des « présences inconnues ».S’il cherche à donner de la réalité une vision « nette », son écriture révèle un goût profond pour l’imaginaire et pour le mystère qui font en grande partie son originalité.
Pour peupler le vide de la terre , qu’il ressent profondément, Supervielle convoque des visions, des rêves, des ombres, des métamorphoses. Il crée un univers où se mêlent hommes , animaux et plantes-tous les êtres vivants participant pour lui de la même essence-, et d’où sont abolis le temps et la mort.(source Le Grand Atlas de la Littérature Française)
Almanach poétique : Jules Supervielle
Celui qui chante dans ses vers,
Celui qui cherche dans ses mots,
Celui qui dit ombres sur blanc
Et blancheurs comme sur la mer
Noirceurs sur tout le continent,
Celui qui murmure et se tait
Pour mieux entendre la confuse
Dont la voix peu à peu s’éclaire
De ce que seule elle a connu
Celui qui sombre sans regret
Toujours trompé par son secret
Qui s’approche un peu et s’éloigne
Bien plus qu’il ne s’est approché,
Celui qui sait et ne dit pas
Ce qui perle au bout de ses lèvres
Et, se taisant, ne le dira
Qu’au fond d’une blafarde fièvre
Au pays des murs sans oreilles,
Celui qui n’a rien dans les bras
Sinon une grand tendresse,
Ô maîtresse sans précédent,
Sans regard, sans cœur, sans caresses,
Celui-là vous savez qui c’est
Ce n’est pas lui qui le dira
Jules Supervielle, La Fable du monde, suivi de Oublieuse Mémoire, Poésie/Gallimard n° 219 (1987), p. 94.
Le premier arbre
C’était lors de mon premier arbre,
J’avais beau le sentir en moi
Il me surprit par tant de branches,
Il était arbre mille fois
Moi qui suis tout ce que je forme
Je ne me savais pas feuillu,
Voilà que je donnais de l’ombre
Et j’avais des oiseaux dessus.
Je cachais ma sève divine
Dans ce fût qui montait au ciel
Mais j’étais pris par la racine
Comme à un piège naturel.
C’était lors de mon premier arbre,
L’homme s’assit sous le feuillage
Si tendre d’être si nouveau.
Etais-je un chêne ou bien un orme
C’est loin et je ne sais pas trop
Mais je sais bien qu’il plut à l’homme
Qui s’endormit les yeux en joie
Pour y rêver d’un petit bois.
Alors au sortir de mon somme
D’un coup je fis une forêt de grand arbres nés centenaires
Et trois cents cerfs la parcouraient
Avec leurs biches déjà mères.
Jules Supervielle
Par ankana87 le 18 février, 2009 dans poesie, romans
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